*** Un compte rendu de Frédéric Thomas - Revue "Dissidences"
Dès les premières pages et le beau poème, « Dimanche, l’esprit de Brecht revisité », on est fixé ; il sera question de poésie, en prise avec la futilité des dimanches, l’ivresse des voyages, de l’amour et du reste, et le détraquement du monde :
« et là-dedans dans cet univers détraqué gris et oblique là-dedans on aimera on aura faim et pas d’enfants » (p. 7). Soit une poésie « tordant les jours de l’Occident » (p. 8), buttant sur les territoires et frontières, les débordant parfois dans une « dialectique des gares » et infractions de toutes sortes, jusqu’à atteindre la rive du prochain bistrot, et, épisodiquement, plus loin, « ces corps rares et irremplaçables » (p. 67).
Pas trop loin de Brecht, dialoguant avec Pasolini ou Antoine Wauters, faisant, au passage, un clin d’œil à Prévert (p. 70), mais avec sa marque propre bien sûr, un attachement particulier aux lieux, et à cette double exigence de simplicité et de veille. Une veille où se mêle d’ailleurs la colère – « c’est délicieux de refuser » (p. 69) – et l’amour : « Seulement ceci qui pourrait jaillir de ces villes c’est que dans chaque ville il serait encore possible qu’un amour veuille » (p. 79). Mais également, confondus, ce « qui pourrait jaillir » et l’événement passé, dont le poème tente de capter et de transmettre une part de sa force et de son secret : « où est le potentiel de temps que l’on appelle mémoire (…) et le poème leur sera-t-il à ceux ainsi frappés d’oubli une demeure ou un exil ou une mort anonyme supplémentaire ? » (p. 71-72)
Peut-être est-ce alors, l’irréparable Ixelles jadis, donnant à voir les correspondances entre le bandit tragique Raymond Callemin et le poète Odilon-Jean Périer, dans le quartier bruxellois, qui souligne le mieux l’exigence limite de ce recueil de poèmes, composés entre 2011 et 2014 : « le monde devra changer sinon du moins se souvenir » (p. 12).
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